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Positionnement de l'automatisation minière au Québec sur l'échiquier mondial 

3 juillet 2017
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Paru dans le numéro spécial "Carrières et Formations" de la revue Ressources, Mines et Industrie

Révolution industrielle, industrie 4.0, automatisation, numérisation, autant de concepts qui font leur apparition dans le discours des organisations et des entreprises de tous les secteurs d’activité. L’industrie minière ne fait pas exception.

L’objectif fondamental poursuivi par les entreprises minières qui s’engagent dans la voie de l’automatisation est d’améliorer la planification, le contrôle et la prise de décision afin d’extraire davantage de minerai, tout en réduisant leur impact environnemental et en améliorant la sécurité de leurs employés. Pour y arriver, elles doivent procéder à l’intégration de leurs processus à toutes les phases de leurs activités soient l’exploration, l’exploitation, le traitement et le transport du minerai, et la restauration des sites miniers.

Les possibilités nouvelles issues de la révolution industrielle 4.0 reposent sur l’interconnexion des équipements et des systèmes en place, jumelée à l’utilisation d’Internet ainsi qu’à la collecte de données massives. L’intelligence artificielle permet dorénavant de regrouper et de traiter rapidement cette somme considérable de données (Big data) provenant des équipements et des travailleurs sur lesquels sont placés de nombreux capteurs. Des algorithmes extraient les informations pertinentes et utiles à la prise de décisions en temps réel, fondée sur les tendances issues des données du passé. Des analyses complexes des données emmagasinées permettent aussi de dresser des modèles prédictifs, améliorant à la fois la productivité et l’entretien du matériel.

Loin de la science-fiction, ces technologies existent et sont déjà utilisées par les grands producteurs miniers mondiaux.

Australie

En Australie, Rio Tinto, BHP Billiton et Fortescue Metals investissent massivement en automatisation en priorisant le contrôle à distance des opérations de leurs exploitations de fer à ciel ouvert de grande envergure en Australie-Occidentale et de leurs mines de charbon dans le Queensland.   Le modèle de Rio Tinto est le plus fréquemment cité pour illustrer l’implantation massive d’engins mobiles autonomes. En 2015, cette entreprise disposait déjà de 71 camions semiautonomes dans trois mines de fer de la région du Pilbara et de 7 foreuses autonomes2 dans une autre mine L’automatisation de ces quatre mines permettait alors un coût de production du minerai de fer à 15 $ US la tonne, ce qui est nettement inférieur au coût de production de ce type de minerai au Québec.

Pour superviser de tels sites miniers, Rio Tinto ainsi que BHP Billiton disposent tous deux de centres de contrôle à distance. Situés à Perth, à plus de 1 000 km des sites en exploitation, ces centres de contrôle emploient entre 200 et 400 personnes. BHP Billiton dispose également d’un deuxième centre de contrôle à Brisbane qui opère ses mines de charbon situées dans l’arrièrepays du Queensland.

En Australie du Sud, l’industrie minière est davantage constituée d’entreprises de taille moyenne, analogues à celles que l’on retrouve au Québec. Un projet pilote complété avec succès en 2015 et financé en bonne partie par le gouvernement en partenariat avec l’université de l’Australie du Sud permet d’offrir aux entreprises minières de moyenne envergure un centre de contrôle à distance opéré à forfait. Elles peuvent transférer une partie de leurs opérations vers ce centre géré par une compagnie de service qui assure la confidentialité des données. Ce centre propose également le soutien nécessaire à l’installation d’équipements de contrôle à distance adaptés à une flotte existante d’engins miniers, et ce peu importe la localisation des mines.

Face à l’importante augmentation de l’automatisation, les autorités gouvernementales de l’Australie occidentale ont mis sur pied dès 2013 un comité conjoint, gouvernement et industrie, chargé d’étudier les nouveaux risques engendrés par l’introduction d’engins mobiles autonomes sur un site minier. Le Code des pratiques de sécurité spécifiques à l’automatisation des mines existantes adopté en 2015 découle des travaux de ce comité.

Brésil

Au Brésil, la compagnie Vale a investi plus de 14 milliards $ US en dix ans pour construire sa plus récente mine de fer, la mine S11D Eliezer Batista. La construction a débuté en 2006 et le lancement officiel des opérations commerciales a eu lieu 11 ans plus tard, en janvier 2017. Dans cette mine, tous les camions de production sont remplacés par un immense réseau de convoyeurs, dont une partie est mobile. Des concasseurs primaires, mobiles eux-aussi, sont connectés aux convoyeurs et alimentés directement par les équipements de chargement. Depuis le début de 2017, la mine S11D Eliezer Batista produit du fer à moins de 10 $ US la tonne. Sa capacité est de 90 Mt-Fe/an et son espérance de vie est de 35 ans.

Canada

Le projet Borden, situé à Chapleau dans le Nord-ouest ontarien, sera probablement la prochaine mine construite par la compagnie Goldcorp. L’étude de faisabilité prévoit une mine novatrice, entièrement électrique, automatisée et opérée à distance. Tous les engins de transport, d’excavation et de soutènement seront équipés de batteries au sodium-chlorure de nickel. Cette technologie, qui ne nécessitera pas de changement de batteries puisqu’elles se rechargeront pendant les opérations, aura des bénéfices environnementaux appréciables qui contribueront à l’acceptabilité sociale du projet. En effet, l’utilisation de véhicules électriques pour le transport du personnel, du matériel et du minerai permettra de diminuer de 50 % les gaz à effet de serre produits par une mine comparable fonctionnant au carburant diesel.

Contexte québécois : des initiatives prometteuses

Au Québec, la mine Éléonore de la compagnie Goldcorp est actuellement la plus automatisée. Cette mine d’or en production commerciale depuis 2015 a relevé avec brio le défi des communications souterraines. Sur le site, tous les engins mobiles et les travailleurs sont équipés de GPS reliés à un système Wi-Fi performant, ce qui permet de les localiser en temps réel. Cette localisation précise permet d’aérer, de chauffer et de climatiser seulement les portions de la mine qui le requièrent. La réduction de coût, l’augmentation de la sécurité grâce à un meilleur contrôle de la présence de gaz nocifs (CO et NO2) et de fumées explosives dans l’air et les gains de productivité sont des bénéfices liés à l’automatisation.

L’automatisation accrue permet aussi à certaines entreprises du Québec d’approfondir davantage les galeries souterraines existantes ce qui prolongera considérablement la durée de vie de ces mines, contribuant ainsi au maintien d’emplois de grande qualité. Par exemple, l’approfondissement de la mine LaRonde de la compagnie Agnico Eagle pour extraire du minerai à plus de 3 km de la surface permettra de maintenir des centaines d’emplois pendant de nombreuses années.

Enfin, la technologie automatisée actuelle permet de réévaluer en toute sécurité le potentiel résiduel d’anciennes mines dont l’exploitation s’est interrompue pour des raisons techniques plutôt que par épuisement du minerai. Le projet Horne 5 de la compagnie Falco est particulièrement représentatif à cet égard. Ce gisement connu depuis les années 1920 est situé dans l’extension immédiate de l’ancienne mine Horne à Rouyn-Noranda. Il recèle encore des ressources aurifères considérables et sa localisation géographique présente de nombreux avantages logistiques.

À suivre…

Le Québec minier recèle des ressources minérales variées, parmi les plus prisées au monde. Cependant, force est maintenant d’admettre que pour demeurer compétitif sur la scène internationale, des technologies innovantes devront être implantées. Le succès de l’innovation minière au Québec repose sur la compétence de la main-d’œuvre et toutes les mesures nécessaires pour que celle-ci acquière et développer les compétences requises pour soutenir l’automatisation accrue devront être déployées.

L’Institut national des mines s’intéresse particulièrement aux nouvelles compétences requises de la main-d’œuvre minière de demain et abordera ce sujet plus en profondeur dans ses prochaines publications.

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