La démarche de Reconnaissance des acquis et des compétences dans le secteur minier
Entretien avec Liane Levasseur, experte-conseil

Depuis quelques années, les études de l’Institut national des mines démontrent que de plus en plus d’entreprises minières exigent un diplôme pour un poste d’entrée. La problématique du recrutement de main-d’œuvre demeure également un enjeu pour les entreprises minières. Certaines travailleuses et certains travailleurs ont une expérience significative dans un domaine, mais n'accèdent pas à certains postes puisqu’ils ne possèdent pas de diplôme. Pour d’autres, déjà à l'emploi ou non dans le secteur minier, détenir un diplôme augmente leurs chances d’obtenir un avancement et de se démarquer d’autres candidatures.
La démarche de Reconnaissance des acquis et des compétences (RAC) est une avenue intéressante à explorer afin de faire reconnaître l’expérience déjà acquise et pour s’assurer d'acquérir toutes les compétences manquantes à l’obtention d’un diplôme. Pour en connaître davantage sur cette démarche et comprendre les bénéfices que pourraient tirer tant les travailleuses et travailleurs expérimentés, que les établissements d’enseignement ou les entreprises minières, voici un entretien réalisé avec l’experte-conseil en RAC, Mme Liane Levasseur, du Centre d’expertise de reconnaissance des acquis et des compétences, CERAC Harricana.
1. Rappelez-nous ce que c’est la démarche RAC.
La reconnaissance des acquis et des compétences (RAC) est une démarche personnalisée qui est vraiment là pour répondre aux besoins des personnes. Il s’agit d’une démarche valorisante, offerte par les établissements d’enseignement du Québec, qui permet de reconnaître les acquis des gens sur le marché du travail et d'y introduire un plan d'études pour la formation manquante qui mènera la travailleuse ou le travailleur à l’obtention d’un diplôme. Pour plusieurs personnes réalisant cette démarche, l’école n’a pas été une belle expérience dans leur enfance. Heureusement, elles se rendent compte que c’est plutôt une expérience enrichissante qui reconnaît les compétences.
2. Selon vous, quels sont les facteurs de réussite de la démarche RAC dans un établissement d’enseignement?
Depuis 2014, les cinq CERAC en formation professionnelle du Québec soutiennent les centres de formation professionnelle dans le développement des services de RAC. L’un des enjeux de la RAC est de trouver des spécialistes de contenu dans les différents programmes de formation. Ces spécialistes de contenu peuvent ainsi évaluer les gens qui effectuent la démarche, mais leur recrutement est parfois laborieux. Je vois cinq principaux facteurs de réussite de la RAC dans les établissements d’enseignement :
- Favoriser la mise en place d’une équipe multidisciplinaire gravitant autour du service de RAC au lieu que le service repose sur les épaules d’une seule personne. Dans l’équipe, on peut compter entre autres sur des gens qui composent la direction, les services aux entreprises et les services de la RAC.
- Travailler en collaboration avec les entreprises de son milieu. La principale clientèle qui peut réaliser la démarche RAC est celle en emploi. Les études prouvent aussi que le soutien de l’employeur est important pour la réalisation de la démarche jusqu’à l’obtention du diplôme.
- Offrir un accompagnement personnalisé aux personnes qui font une démarche de RAC.
- Réaliser la promotion des services offerts dans les établissements d’enseignement pour attirer davantage de clients.
- Reconnaître les compétences, c’est un aspect que nous réalisons bien. Cependant, permettre aux personnes d’acquérir les compétences manquantes n’est pas toujours facile. Il existe différentes méthodes pour développer les compétences selon la nature de la compétence ou du programme d’études : à distance, acquisition de connaissances dans un établissement d’enseignement ou en entreprise, avoir un collègue mentor, autoapprentissage avec accompagnement, etc. Il faut continuer à mettre les efforts afin de répondre aux besoins des personnes
3. Pourquoi la RAC devrait être davantage connue des entreprises du Québec par les responsables des ressources humaines?
La démarche RAC doit être connue de plus en plus par les entreprises. Certaines entreprises permettent aux conseillères et aux conseillers en RAC d’offrir de l’information sur la démarche à leurs employés alors que d’autres organisations optent pour la conciliation Travail-RAC. Finalement, certaines entreprises favorisent la réalisation de la démarche RAC à l’intérieur même de leurs murs pour maintenir la motivation de leur main-d'oeuvre envers l'obtention du diplôme. D’ailleurs, l’une de mes collègues d’un CERAC travaille justement sur un guide présentant sept pratiques de collaboration avec les entreprises.
4. En temps de pandémie, comment avez-vous adapté vos services pour continuer à offrir de la RAC?
En temps de pandémie, le plus grand défi a été d’offrir le service à distance. Durant la démarche RAC, certains acquis doivent être évalués en pratique. Quelques centres de formation ont dû attendre pour réaliser l’évaluation et d’autres établissements d’enseignement ont pu aménager leurs locaux afin d’évaluer sur place tout en respectant les règles sanitaires de la Santé publique.
Chose certaine, il a été possible de rendre plus accessible l’information et ainsi, réaliser des entrevues de validation à distance sans contrainte géographique. Les outils de rencontre à distance ont bien servi les conseillères et les conseillers RAC partout au Québec.
5. Qu’est-ce qu’un CERAC?
Au Québec, des experts-conseil œuvrent dans les 5 centres d’expertise en reconnaissance des acquis et des compétences (CERAC) en formation professionnelle et 2 dans le réseau collégial soutenus par le ministère de l’Éducation. Nous sommes des experts de la démarche RAC qui assumons un véritable leadership en ce domaine afin d'accroître l'offre de service RAC au Québec. Plus précisément, notre mandat de soutien au réseau comprend 3 volets :
- Accroître l’offre de service en RAC;
- Améliorer la qualité des services offerts;
- Contribuer au développement de la reconnaissance des acquis et des compétences.
6. Comment percevez-vous votre rôle d’experte-conseil dans un CERAC?
En tant que CERAC, on a vraiment le rôle de répondre aux besoins de soutien du réseau scolaire. Je me vois comme une accompagnatrice des personnes responsables de la RAC dans les établissements d’enseignement. Chacun des cinq CERAC du Québec a des objectifs spécifiques de développement. Pour notre part, le CERAC Harricana veille à la gestion du site Internet ainsi que des médias sociaux et nous travaillons présentement sur le développement de l’offre de service pour le milieu carcéral.
7. Quel est votre parcours pour l’obtention de ce poste comme experte-conseil CERAC?
Je suis titulaire d’un baccalauréat en sociologie et d’une formation en pédagogie qui m’a permis d’obtenir un brevet d’enseignement. J’ai d’abord enseigné au Centre de services scolaires Harricana (CSSH) en formation professionnelle pendant 4 ans. Par la suite, j’ai poursuivi ma carrière au collégial en tant que conseillère et enseignante au Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue. Ces expériences m’ont amené à faire une maîtrise en éducation sur les difficultés vécues par les étudiants adultes lors d’un retour aux études. Ensuite, un défi m’attendait à nouveau à la CSSH où j’ai enseigné au Centre de détention d’Amos tout en étant chargée de cours à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue.
Dès 2006, comme conseillère en RAC, j’ai travaillé à mettre en place le service de RAC au CSSH. J’ai aussi été coordonnatrice de la Table régionale de développement de la RAC jusqu’en 2012. C’est à partir de 2014 que notre centre de services scolaires a été désigné comme CERAC pour accompagner les 13 centres de services scolaires des régions de l’Outaouais, du Nord-du-Québec, des Laurentides et de l’Abitibi-Témiscamingue.
*En octobre 2019, l’Institut national des mines a publié un rapport de recherche sur le sujet intitulé : « Reconnaissance des acquis et des compétences en formation minière de niveau secondaire » en partenariat avec des chercheurs de l’Université de Sherbrooke.
L'Institut poursuit actuellement son partenariat avec l'Université de Sherbrooke dans l'objectif de publier une « Étude sur le parcours en reconnaissance des acquis et des compétences (RAC) de travailleuses et de travailleurs du secteur minier ». Cette seconde étude portant sur la RAC en formation minière permettra de documenter, grâce à des entrevues, le parcours des travailleuses et des travailleurs qui s’engagent dans une démarche RAC, aidant ainsi à mieux comprendre les logiques d’engagement, de motivation ainsi que les moteurs propres à la réalisation de ce processus.
